Je tente comme vous de reprendre le boulot sans trouver ça trop sot, et puis je tombe sur la couv. du Charlie. Commence alors machinalement un décryptage coloriel et laïque de cette couv. historique que je me propose de partager ici.
Le vert, le vert, aujourd’hui, on l’aime tous. car le vert, c’est tout simplement la chlorophylle, indeed, couleur de la nature vivante, énergétique (ça transforme la lumière en énergie chimique tout de même) et embrassante (les pâturages, les forêts, tout ça… c’est grand! ça nous dépasse). Le vert symbolisant la nature transpercée de lumière, quoi de plus simple finalement, mais derrière cette nature, émergent conceptuellement les notions d’espoir, celui de la repousse, éternelle et perpétuelle, sans doute, celui d’un nouvel ordre écologique bien sûr, celui du tout possible (on met un feu vert?)(allez, go gO GoOOO Charlie!), celui des premiers romantiques échevelés (mouvement artistique très très lié à la nature), mais tsss… je me perds. En tout cas, c’est parce que la nature est verte que le prophète Mahomet l’aurait désignée comme sa favorite. dès lors, les paradis merveilleux, décrits dans le Coran (enfin c’est ce qu’on dit, je l’ai pas lu) sont verdoyants et le vert devient couleur de l’Islam.
le vert, c’est beau, ok mais comme je vous le dis à chaque fois, chaque couleur à sa face A et sa face B, son côté vertueux, son côté névrotique. alors, ici le vert, couleur de la nature donc, est aussi la couleur de la nature qui sort de ses gongs : les monstres sont verts, le slime est vert, comme Hulk, tu deviens vert, de rage, t’as un sale teint vert quand tu es malade à en crever, Molière était vêtu de vert quand la mort l’a chopé et ça c’est vraiment pas de chance.
oscillant entre nature et contre-nature, espoir infini et colère dévorante, voilà pour le spectre symbolique du vert. Et formellement, ça se passe comment?
le vert a, d’un point de vue factuel, un niveau de clarté médian, c’est à dire que si tu en fais une photocopie noir et blanc, l’échantillon gris que tu obtiens se trouve pile poil entre le noir et le blanc justement. ni clair, ni foncé, il se déploie donc à merveille sur l’un comme sur l’autre, (contrairement au jaune qui est clair et va s’amalgamer au blanc par exemple). ça se fait d’autant mieux lorsque blanc et noir (2 autres couleurs fondamentales de la culture islamique) prennent leur forme les plus “naturelles” : l’aplat pour le blanc, la ligne pour le noir (ça se lit noir sur blanc). l’autre couleur fondamentale à être de clarté moyenne, c’est la rouge, dont on a déjà parlé, qui n’a pas de valeur symbolique semble t il ici (ni dans la religion musulmane) mais qui a formellement toute sa raison d’être : 1/ enlevez la banderole rouge et on se fait chier (… si!)(enfin c’est moins bien), 2/ cela permet d’augmenter l’impact visuel du message qui se pose dessus car le rouge est la première couleur que l’oeil repère.
Bref, Charlie, c’est le sans faute coloriel là! sans faute, oui, sauf que…
“du vert, du vert, n’utilisez jamais de vert dans vos tableaux… faites comme Goya, prenez du gris, on comprendra très bien que c’est un arbre. le vert… ça bouffe tout!” nous disait notre prof de peinture aux Arts Déco. Et oui, c’est vrai que le vert, ça mange tout visuellement, ce serait picturalement parlant, la dissonance incarnée. et puis vous le savez le vert, souvent, ça donne un teint de rien. c’est donc dur, très dur à porter, mais tsss… je m’égare.
en même temps, parfois c’est moche de chercher à faire quelque chose de… beau (vaste sujet, on y reviendra), c’eut été inapproprié de faire du Goya là non? c’eut été un nom sens d’utiliser du gris pour cette couv histoire de pas heurter le regard, car pourquoi pas être dissonant, si on le fait avec verdeur et… tendresse. le vert est tendre, sur cette couv. il est dissonant mais tendre, j’en suis sûre.
et puis, le vert, ce vert surtout, je le vois aussi comme celui de l’écran devant lequel on fait jouer un acteur “hors cadre” pour une scène irréaliste, c’est un vert tellement pas naturel pour le coup, qu’il permet le mieux de détourer le bonhomme en post-prod. il ne reste alors qu’à inventer un nouveau décor… on revient à l’idée d’espoir. Que peut on espérer, imaginer défiler derrière le Mahomet de Luz? je n’ai pu choper aucune déclaration officielle sur le sujet, si ce n’est “démerdez-vous avec ça!”.